Paysage subaquatique de la rivière Les Baillons à Enquin-sur-Baillons, Pas-de-Calais
© Lamiot / Wikimedia - CC BY-SA 4.0
La biodiversité des milieux aquatiques
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La diversité biologique à toutes les échelles
Apparu dans les années 1980, le terme de biodiversité est la contraction de “diversité biologique”. Son utilisation a été consacrée par la Convention internationale sur la diversité biologique, mise en place au cours du Sommet de la terre de Rio de Janeiro en 1992. La Convention la définit comme “la diversité du vivant à toutes les échelles”. Elle est généralement décrite à trois niveaux : au niveau des habitats et des écosystèmes, au niveau des espèces (flore, faune, champignons, bactéries, etc.), et au niveau des individus d’une même espèce (diversité génétique). D’autres échelles existent cependant, comme par exemple la variabilité des communautés qui peuplent un même type de milieux de vie. En outre, la biodiversité inclut des éléments dynamiques tels que les relations, interactions et flux entre les organismes et leur environnement.
L’espèce est l’unité du vivant la plus utilisée pour mesurer la biodiversité. Elle correspond à un ensemble d’individus aux caractéristiques similaires, capables de se reproduire ensemble, et dont la descendance n’est pas stérile. L’étude des espèces présentes dans un écosystème permet d’en déterminer la richesse spécifique, c’est-à-dire le nombre d’espèces différentes. L’autre paramètre souvent utilisé est le nombre d’individus d’une espèce donnée dans le milieu, qui correspond à l’abondance. La richesse spécifique et l’abondance sont des notions fréquemment employées pour caractériser la biodiversité d’un milieu. Toutefois, ces notions ne sont qu’un aperçu de tout ce que recouvre la biodiversité.
La richesse spécifique mondiale estimée est comprise entre 8 et 12 millions d’espèces (d’après OFB-CNRS-MNHN, 2018). Ce ne sont que des estimations. En effet, moins de 2 millions d’espèces sont connues à l’heure actuelle. En France, le nombre d’espèces connues s’élève à environ 180 000.
La biodiversité varie selon les endroits du globe. Certaines zones vastes abritent un nombre restreint d’espèces comme les territoires proches des pôles, alors que d’autres milieux qualifiés de “points chauds de la biodiversité” en accueillent un nombre très important, par exemple à proximité de l’Équateur et des tropiques. En ce qui concerne la France, la majorité des territoires d’Outre-mer sont situés dans des points chauds de biodiversité, ce qui explique qu’on estime que 80% de la biodiversité (exprimée en richesse spécifique) du pays se trouve dans les Outre-mer.
La biodiversité se répartit de manière hétérogène entre les groupes d’organismes : les insectes constituent par exemple la moitié des 2 millions d’espèces connues dans le monde, alors que les mammifères sont seulement de l’ordre de 5 500, incluant l’espèce humaine, soit moins de 0.3% (d’après Australian Biodiversity Information Services, 2009).
Les données d’inventaire d’espèces (dont les espèces aquatiques) sont accessibles sur le site de l’INPN.
Consultez les données de plus de 178 000 espèces.
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Les espèces en métropole et outre-mer en 2018
D'après La biodiversité en France : 100 chiffres expliqués sur les espèces, 2018, UMS Patrinat/ONB
© Chantal Fitoussi / Agence française pour la biodiversité -
Les espèces en métropole et outre-mer en 2019
D'après La biodiversité en France : 100 chiffres expliqués sur les espèces, 2019, UMS Patrinat/ONB
© Chantal Fitoussi / Agence française pour la biodiversité
Pour aller plus loin
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Le rôle de l’évolution des espèces
La diversité biologique est le résultat du processus d’évolution du vivant. Au cours de son histoire, le monde vivant a été confronté à des changements climatiques et géographiques importants (glaciations, tectonique des plaques, etc.), ainsi qu’à des catastrophes (éruptions volcaniques, météorites, et.). À chaque fois, la vie s’est adaptée à ces changements de conditions de vie et à ces crises : les espèces ont changé, certaines espèces apparaissant alors que d’autres disparaissaient.
Le support de l’évolution est le code génétique, qui détermine l’apparition de nouvelles caractéristiques par le fruit du hasard. L’un des moteurs en est la sélection naturelle, responsable de la transmission par hérédité de certains caractères. L’évolution des espèces, à l’œuvre depuis 3,5 milliards d’années, explique aujourd’hui la riche biodiversité présente sur Terre.
L’espèce, un concept aux contours parfois flous
L’homme étudie le vivant depuis de nombreux siècles, et s’attache à le décrire - discipline de la taxinomie - et à le classifier - discipline de la systématique. Les différents niveaux d’organisation sont appelés taxons : espèce, genre, famille, ordre, règne, etc.
La notion d’espèce pose parfois certaines difficultés, parce que sa définition ne s’applique pas à tous les cas particuliers observés dans la nature. À titre d’exemple, le Chabot commun - petit poisson des ruisseaux et des torrents - a longtemps été considéré comme une seule espèce, mais il est aujourd’hui établi grâce à la génétique qu’au moins 7 à 8 espèces cohabitent en métropole (d’après Biotope-MNHN, 2011).
Les situations qui isolent des populations d’une même espèce sont particulièrement propices à l’évolution vers une nouvelle espèce. En effet, sans contact entre elles (et donc sans échanges génétiques), chaque population évolue en réponse à son environnement, jusqu’à former une nouvelle espèce. Ainsi, les îles présentent généralement une biodiversité très spécifique, puisque les espèces qui s’y trouvent n’ont pas d’échange avec les espèces des autres îles. Les espèces qui ne se retrouvent ainsi que dans une zone déterminée sont appelées espèces endémiques.
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Des milieux aquatiques particulièrement riches en biodiversité
En ce qui concerne les espèces aquatiques, les bassins versants agissent de la même manière que les îles : ils constituent des barrières naturelles pour ces organismes. Ainsi, les espèces exclusivement aquatiques telles que les poissons, les crustacés et les mollusques ne sont pas capables de passer, sans intervention extérieure, d’un bassin versant à l’autre. Sur le long terme, la présence d’une même espèce dans deux bassins versants différents a donc toutes les chances de conduire à l’apparition de deux espèces différentes.
Ainsi, du fait du grand nombre de bassins versants à la surface du globe, la richesse spécifique des milieux aquatiques d’eau douce est particulièrement élevée au regard de la faible surface qu’ils occupent. Ils sont le lieu de vie de 130 000 des 2 millions d’espèces connues, alors même qu’ils n’occupent qu’une infime partie du globe (d’après Balian et al., 2010).
Les milieux aquatiques abritent des espèces dites “aquatiques” : des micro-organismes, des algues, des champignons, des plantes, de nombreux insectes. Chez les oiseaux, plusieurs espèces sont totalement dépendantes des milieux aquatiques, tel le Cincle plongeur. Quant aux mammifères, certains fréquentent les eaux littorales, comme certains cétacés, alors que d’autres, dits “terrestres”, sont toutefois fortement liés aux milieux aquatiques, en particulier la Loutre d’Europe et le Castor d’Europe.
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Renoncules (Ranunculus sp.) en fleur dans la rivière Les Baillons à Enquin-sur-Baillons, Pas-de-Calais
© Lamiot / Wikimedia - CC BY-SA 4.0
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Larve de dytique, insecte aquatique
© Thomas Bresson / Wikimedia - CC BY 3.0
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Cincle plongeur (Cinclus cinclus)
© Hangsna / Wikimedia - CC BY-SA 4.0
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Martin-pêcheur avec un poisson dans son bec
© Pxhere - CC0
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Phoques gris (Halichoerus grypus) se prélassant sur les rochers de l’archipel des Étocs, Bretagne.
© Cécile Gicquel / Agence française pour la biodiversité - LO 2.0
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Desman des Pyrénées (Galemys pyrenaicus), rivière Balboa, Espagne
© David Perez / Wikimedia - CC BY-SA 4.0
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Castor d'Europe (Castor fiber) dans le Lobau à Vienne
© Martina Lion / Wikimedia-Panoramio - CC BY-SA 3.0
Toutefois, la biodiversité des milieux aquatiques ne se limite pas aux espèces dont la majorité du cycle de vie se déroule dans l’eau. Beaucoup d’autres espèces ont besoin de ces écosystèmes : soit qu’elles les utilisent lors de leur migration, comme dans le cas d’oiseaux migrateurs, soit qu’elles les utilisent pour répondre à certains de leurs besoins essentiels, comme différentes espèces de chauve-souris venant s’alimenter en insectes volants dans les milieux humides.
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Libellule bleue ou demoiselle dont la larve est aquatique
© Publicdomainpicture - CC0
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Triton marbré (Triturus marmoratus), amphibien
© Ferran Bargalló / Societat Catalana d'Herpetologia / Wikimedia - CC BY-ND 2.0
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Guêpier d'Europe Merops apiaster, Ariège, France
La femelle (devant) attend l'offrande que le mâle va lui faire. Le guêpier est un oiseau migrateur qui niche sur les berges sablonneuses des rivières.© Pierre Dalous / Wikimedia - CC BY-SA 3.0
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Chevalier gambette, Lac de Genève
© Christoph Müller / Wikimedia - CC BY-SA 4.0
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Murin des marais (Myotis dasycneme)
Cette chauve-souris s’alimente en insectes volants dans les milieux humides.© Jan Svetlík / Flickr - CC BY-NC-ND 2.0
L’habitat, une notion qui désigne les lieux de vie des espèces
Les êtres vivants ont tous des besoins similaires : accéder aux aliments ou aux éléments nutritifs dont ils ont besoin pour croître, se protéger des prédateurs et se reproduire. Le milieu où évolue une espèce à chacune de ces étapes constitue son habitat. Une même espèce peut utiliser plusieurs habitats, comme c’est le cas du brochet : l’habitat des adultes est la rivière, mais l’habitat de reproduction et de croissance des jeunes brochets est la prairie inondable.
Les différents habitats d’une même espèce doivent donc être connectés pour lui permettre d’effectuer l’ensemble de son cycle de vie (en savoir plus sur la continuité écologique). Dans l’exemple du brochet, il est nécessaire que la prairie inondable soit connectée à la rivière pour que les adultes reproducteurs aillent y déposer leurs œufs, mais aussi pour que les jeunes brochets rejoignent la rivière à l’issue de leur période de croissance.
Des échanges entre les différentes populations d’une espèce sont aussi nécessaires pour garantir la diversité génétique et permettre la recolonisation des secteurs subissant une extinction locale.
Pour aller plus loin
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Une biodiversité indispensable
La biodiversité est donc un capital naturel issu de plusieurs milliards d’années d’évolution, à l’organisation et au fonctionnement d’une extraordinaire complexité. L’érosion accélérée de la richesse du vivant constatée aujourd’hui fragilise chaque jour un peu plus cette organisation (en savoir plus sur l’état de la biodiversité aquatique). En effet, cette perte de diversité réduit les possibilités d’adaptation des espèces et des écosystèmes aux variations de leur environnement, à commencer par le changement climatique (en savoir plus sur le changement climatique). La préservation de la biodiversité s’impose donc comme un devoir moral autant qu’une nécessité vis-à-vis de tout le vivant.
Par ailleurs, les humains dépendent fortement de la biodiversité : pour l’air respirée, pour l’eau bue, pour la nourriture ingérée, pour les matières premières utilisées. La biodiversité, base du tissu vivant de la planète, contribue aussi à limiter certains risques naturels l’érosion des côtes, ou les inondations. Elles est indispensable à la qualité de vie et au bien-être des personnes, sans oublier d’importants rôles culturels. L’ensemble de ces bénéfices sont souvent qualifié de services écologiques ou de services écosystémiques.
Les services écologiques ou écosystémiques : bénéfices issus de la biodiversité et des écosystèmes
© OIEau, 2019 - CC BY 3.0 FR
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Poissons, mollusques et crustacés pêchés par le chalutier "Maria José Gabriel", Port Vendres
© Marion Brichet / Agence française pour la biodiversité - LO 2.0
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Plaine inondable du Rhin
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Femme qui lit au bord d'un lac
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Cycle de l'eau : nuages de pluie en bord de mer
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