Grand pingouin (Pinguinus impennus), espèce disparue
© D'après John James Audubon, University of Pittsburgh - CC0
Une biodiversité aquatique menacée
Elle affecte tous les écosystèmes, incluant les milieux aquatiques et les communautés qu’elles abritent, avec d’importantes conséquences pour les milieux eux-mêmes, mais aussi pour les activités et le bien-être humain en général.
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Un réseau d’espèces et d’habitats
Une espèce peut être composée d’une ou de plusieurs populations, qui peuvent être plus ou moins interconnectées, c’est-à-dire qu’il existe des échanges génétiques entre elles. C’est par exemple le cas lors d’un transport de pollen par le vent entre deux populations d’une même espèce de plante. Un écosystème est constitué d’une multitude d’espèces différentes et de leurs interactions : compétition, prédation, symbiose, parasitisme, transfert de maladies, etc.
Pour se maintenir dans un environnement, les êtres vivants ont besoin d’habitats qui leur permettent de se nourrir, de s’abriter de leurs prédateurs, et de se reproduire. Une même espèce peut utiliser un seul habitat pour toutes ces étapes (c’est le cas des végétaux), mais beaucoup d’animaux utilisent des habitats différents selon leur stade de vie. C’est le cas par exemple de l’Anguille européenne, dont le cycle de vie s’effectue dans des habitats de rivières et dans des habitats marins.
La répartition d’une espèce est liée à celle des habitats qui lui sont favorables. L’évolution des habitats (expansion ou régression notamment) oriente donc la répartition des espèces.
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Cours d'eau de montagne aux eaux rapides
© Pxhere - CC0
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Berges d'un plan d'eau
© Pxhere - CC0
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Flamants rose se nourrissant dans une vasière, Camargue
© Elliott Brown / Flickr - CC BY 2.0
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Floraison d'orchidées (Orchis) dans une prairie humide de la Réserve nationale naturelle du lac de Remoray
© Pmau / Wikimedia - CC BY-SA 3.0
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Une biodiversité naturellement dynamique
La biodiversité est naturellement dynamique. En effet, certaines populations peuvent régresser sous l’effet d’une contrainte, par exemple un manque de nourriture, puis augmenter une fois que cette contrainte disparaît - ici quand la nourriture est de nouveau abondante. Localement, cela peut conduire à l’extinction d’une population.
Pour parer à cette situation, un comportement de dispersion s’observe chez beaucoup d’espèces : certains individus, parfois tous, colonisent d’autres habitats. Ce phénomène permet la recolonisation des habitats disponibles. Il s’observe tant chez les animaux (une libellule adulte peut pondre ailleurs que dans son lieu de croissance), que chez les végétaux (les graines de nénuphar blanc flottent et sont emportées par le courant). La dispersion permet en outre de maintenir des échanges entre les différentes populations qui composent une espèce.
La dynamique des populations
Exemple d'une population de poisson dans une rivière
© OIEau, 2019 - CC BY 3.0 FR
Tous ces mécanismes confèrent à la biodiversité une certaine robustesse : lorsqu’une espèce disparaît localement suite à une perturbation (régression de son habitat, apparition d’une nouvelle maladie, trop forte prédation, etc.), elle peut se rétablir dans les années qui suivent si la perturbation disparaît.
La diversité génétique au sein d’une même espèce y contribue, puisqu’elle multiplie les chances d’une espèce de s’adapter à une nouvelle contrainte - par exemple, lorsqu’une résistance génétique à une maladie est transmise d’une population à une autre.
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De multiples menaces
Malgré cette robustesse, le monde vivant est aujourd’hui victime d’une érosion accélérée de sa diversité (en savoir plus sur l’état de la biodiversité), qui résulte de multiples modifications des écosystèmes : régression des habitats des espèces, isolement des populations les unes par rapport aux autres, augmentation de la prédation ou de la compétition, nouvelles maladies, altération des capacités de reproduction, surexploitation, braconnage etc. Ces modifications peuvent être attribuées à 5 grands facteurs.
La destruction et la fragmentation des habitats est reconnue comme le premier facteur de l’érosion de la biodiversité. Elle est provoquée par l’aménagement des milieux naturels, l’urbanisation, et la modification des usages des sols, qui conduisent à leur artificialisation (pour en savoir plus sur l’artificialisation des milieux aquatiques). La détérioration des habitats aquatiques peut résulter d’un manque d’eau (en savoir plus sur les prélèvements d’eau et sur la sécheresse), ou du phénomène d’érosion, susceptible par exemple de colmater certains habitats par envasement (en savoir plus sur le phénomène d’érosion). Enfin, les ruptures de continuité écologique peuvent restreindre les échanges entre populations, et empêcher les organismes d’accéder à certains de leurs habitats (en savoir plus sur la continuité écologique).
Sur la période 2007-2012, en France métropolitaine, sur les évaluations de l'état global de conservation effectuées sur les habitats d'eau douce d'intérêt communautaire :
- 59% présentent une tendance au déclin ;
- 35% présentent une tendance à la stabilité ;
- 3% présentent une tendance à l'amélioration ;
- pour 3%, la tendance est inconnue.
La surexploitation des espèces sauvages résulte d’une exploitation commerciale ou de loisirs d’une espèce - pêche, chasse, cueillette - qui n’est pas en adéquation avec sa capacité de renouvellement. Elle a pour conséquence directe une diminution progressive des effectifs, susceptible de conduire à l’extinction d’une population, voire de l’espèce dans son ensemble (en savoir plus sur les prélèvements d’espèces).
En 2015, 730 000 tonnes de produits de la mer ont été vendues en France métropolitaine (pour une valeur de 2 722 millions d'euros), dont :
- 39 000 tonnes pour la pisciculture ;
- 205 000 tonnes pour la conchyliculture ;
- 486 000 tonnes pour la pêche fraîche et congelée.
La pollution des milieux est liée aux rejets dans l’environnement des activités humaines. Certaines substances rejetées ont des effets toxiques sur les êtres vivants à plus ou moins long terme, par exemple en altérant les capacités de reproduction ou en faisant disparaître certaines espèces particulièrement sensibles. Ces substances peuvent aussi se combiner entre elles, avec des conséquences difficiles à anticiper (en savoir plus sur la pollution de l’eau).
En France (outre-mer compris), en 2011 et 2012, 51% des substances recherchées lors des campagnes exploratoires de surveillance des micropolluants dans les milieux aquatiques ont été quantifiées, c'est-à-dire retrouvées et mesurées de façon statistiquement robuste.
Le plus fort pourcentage de substances quantifiées par rapport au nombre de substances recherchées est observé dans les cours d’eau (70%), milieu davantage connecté aux pressions polluantes.
Une autre source d’altération de la biodiversité tient aux introductions d’espèces exotiques envahissantes, liées à l’augmentation des échanges commerciaux et des déplacements humains. Introduites dans un nouvel écosystème, ces espèces peuvent entrer en compétition avec les espèces locales, et contribuer à leur disparition (en savoir plus sur les introductions d’espèces).
Enfin, s’ajoute à cela le changement climatique, susceptible de modifier le cycle de l’eau en accentuant les phénomènes de sécheresse (en savoir plus sur la sécheresse) et d’inondation (en savoir plus sur les inondations), mais aussi les autres facteurs de l’érosion du vivant.
Par exemple, pour les espèces aquatiques vivant en eaux fraêches, leur habitat se réduit progressivement par l’augmentation de la température des eaux
Pour aller plus loin
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Les conséquences de l’érosion de la biodiversité
La perte de diversité du vivant a logiquement des impacts sur les espèces et les écosystèmes eux-mêmes.
Par exemple, l’extinction d’une espèce peut avoir des conséquences pour d’autres espèces. La disparition de prédateurs ou de proies peut avoir des effets en cascade sur les chaînes alimentaires dans l’écosystème, et conduire à la multiplication ou à la disparition d’autres espèces. C’est ainsi que la Mulette perlière - une moule d’eau douce des ruisseaux de métropole - ne peut se reproduire qu’en présence de la Truite fario ou du Saumon atlantique, puisque les larves utilisent les branchies de ces poissons pour grandir. La disparition de la truite et du saumon signeraient donc inévitablement celle de la mulette - il s’agirait d’une “co-extinction”. Ces transformations sont difficilement anticipables. À terme, elles peuvent conduire à une modification durable des peuplements des milieux aquatiques.
Indépendamment de leur utilité, la biodiversité et les écosystèmes ont une valeur. L’érosion de la diversité biologique constitue donc une perte de patrimoine naturel hérité de plusieurs millions d’années d’évolution. La perte de diversité au sein d’une espèce ou d’un écosystème réduit par ailleurs les possibilités d’adaptation face à une nouvelle perturbation ou un changement de l’environnement - comme celui que représente le changement climatique (en savoir plus sur les impacts du changement climatique).
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Anguille (Anguilla anguilla)
L'anguille est un poisson qui se reproduit en mer et vit en eau douce.
© David Pérez (DPC) / Wikimedia - CC BY-SA 4.0
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Petit Pingouin (Alca torda) sur l'île Handa en Écosse
© Wikimedia - CC BY-SA 4.0
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Écrevisse des torrents (Austropotamobius torrentium), espèce menacée
© Christoph Leeb / Wikimedia - CC BY-SA 3.0
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Écrevisse à pattes rouges (Astacus astacus), espèce menacée
© Parc naturel régional des Vosges du Nord / Wikimedia - CC BY-SA 3.0
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Vison d'Europe (Mustela lutreola), espèce menacée et protégée
© Zoofanatic / Flickr - CC BY 2.0
Plus largement, les services rendus par les écosystèmes dépendent de la biodiversité, et son érosion porte logiquement atteinte à ces services. Des conséquences sur la santé et la sécurité sont possibles : accentuation de certains risques naturels, multiplication d’organismes vecteurs de maladie tels que les moustiques, etc. En Outre-mer par exemple, la destruction des mangroves par l’urbanisation accroît la vulnérabilité des côtes à l’érosion et aux submersions marines durant les tempêtes.
De nombreux usages de l’eau et des milieux aquatiques sont menacés par la perte de biodiversité. Les activités d’exploitation économique d’espèces sauvages sont les premières à être menacées - chasse, pêche, cueillette - tout comme leur équivalent de loisir. Dans le monde, certaines pêcheries ont déjà fait faillite suite à l’effondrement des stocks des poissons exploités. Plus indirectement, toutes les activités économiques liées aux milieux aquatiques peuvent être impactées.
Enfin, les conséquences de perte de biodiversité sont aussi non-économiques. En effet, les milieux aquatiques sont porteurs de valeurs culturelles et symboliques, étroitement liées à la biodiversité qu’ils accueillent. Ces valeurs en font des milieux clés du quotidien : balade au bord d’une rivière, observation d’animaux, pratique de loisirs nautiques, etc.