Rurey, méandre de la Loue à la Fougère
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Vers le bon état des milieux aquatiques
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La mise en œuvre de la DCE en France
En 2000, la directive-cadre sur l’eau (DCE) harmonise la réglementation européenne en matière de gestion de l’eau et instaure l’obligation de protéger et restaurer la qualité des eaux et des milieux aquatiques dans l’ensemble de l’Union européenne. La transposition de cette directive s’organise en particulier autour de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (dite « LEMA »), adoptée en 2006, qui constitue désormais le texte central de la politique française de l’eau.
Les grandes étapes de la réglementation sur l’eau
© Office français de la biodiversité / Réalisation Matthieu Nivesse (d'après OIEau), 2018 - LO-OL
La LEMA conforte certains principes qui pré-existaient déjà en France depuis les lois sur l’eau de 1964 et de 1992. Elle réaffirme le bassin versant comme le périmètre de la mise en œuvre d’une gestion durable de l’eau. Elle amplifie l’association des usagers de l’eau et de leurs représentants à la définition de la politique de l’eau. Enfin, elle conserve et renforce le financement de la politique de l’eau, qui repose sur deux principes :
- le principe « l’eau paie l’eau » : les coûts de l’eau potable et de l’assainissement sont pris en charge par les utilisateurs de l’eau potable ;
- le principe « pollueur-payeur » : les usagers de l’eau et des milieux aquatiques participent financièrement aux actions de préservation et d’amélioration de l’état des des milieux aquatiques, en particulier par l'intermédiaire de taxes.
Par ailleurs, la LEMA crée de nouveaux outils de lutte contre la pollution de l’eau et l’altération du fonctionnement des milieux aquatiques. Elle crée en particulier une “police de l’eau” unique et renforce le rôle des collectivités dans la gestion des services publics de l’eau et de l’assainissement. Enfin, elle crée l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), en partie pour appuyer l’État dans ses missions, dont les compétences sont mutualisées avec celles d’autres établissements depuis le 1er janvier 2017 au sein de l’Office français de la biodiversité (OFB).
La DCE : des principes déjà présents dans la politique de l’eau française
En 2000, la DCE généralise à tous les États membres de l’Union européenne une gestion de l’eau basée sur un système qui existait déjà pour partie en France.
En effet, la loi sur l’eau de 1964 avait instauré une gestion de l’eau à l’échelle des grands bassins versants, associant tous les usagers au sein d’un comité de bassin, sorte de « Parlement de l’eau ». Elle avait également créé des mécanismes financiers d’action qui reposaient sur l’incitation (par le biais de subvention), et mis en œuvre une “agence de l’eau” dans chaque bassin pour piloter ces outils.
En 1992, la seconde loi sur l’eau avait complété ce système par la mise en place d’un plan de gestion dans chaque bassin pour identifier les objectifs et les priorités d’action à mettre en œuvre : le schéma directeur d’aménagement des eaux (en savoir plus sur les SDAGE).
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Des objectifs environnementaux : le bon état des milieux aquatiques
La DCE fixe comme objectif de rétablir - ou de maintenir lorsque c’est déjà le cas - le bon état des milieux aquatiques, c’est-à-dire des cours d’eau, des plans d’eau, des eaux littorales (eaux côtières et eaux dites « de transition » - estuaires et lagunes par exemple) et des eaux souterraines. Pour cela, la gestion de l’eau est conduite à l’échelle des bassins versants des grands fleuves européens, y compris de manière transfrontalière lorsque ces fleuves traversent plusieurs pays.
Les objectifs de bon état sont fixés à une plus petite échelle, celle des « masses d’eau », qui correspondent à des portions homogènes de cours d’eau, plans d’eau, nappes souterraines, etc. Des plans de gestion sont élaborés, et révisés régulièrement. Les représentants de tous les acteurs du bassin versant participent à cette démarche au sein d’instances de concertation qui leur permettent d’exprimer et confronter leurs points de vue : en France ce sont les « comités de bassin ».
L’atteinte du bon état des milieux aquatiques de surface (cours d’eau, plans d’eau, eaux de transition, eaux côtières), évalué à l’échelle des masses d’eau correspondantes, repose sur un bon état écologique et un bon état chimique. L’état écologique tient compte de l’écosystème dans son ensemble, et se base sur des paramètres biologiques (abondance des espèces de poissons d’une rivière par exemple), tout en tenant compte de paramètres physico-chimiques (oxygène dissous dans l’eau, température, etc.) et de la morphologie et de l’hydrologie du milieu. L’état chimique s’évalue d’après la présence et la concentration dans l’eau d’une liste de substances polluantes.
L’évaluation du bon état des eaux de surface
© Office français de la biodiversité / Réalisation Matthieu Nivesse (d'après OIEau), 2018 - LO-OL
L’atteinte du bon état des eaux souterraines, évalué à l’échelle des masses d’eau correspondantes, repose sur un bon état chimique (semblable à celui des eaux de surface, mais adapté aux particularité des eaux souterraines) et un bon état quantitatif : la variation saisonnière du niveau de la nappe ne doit pas menacer ni son équilibre à long terme, ni les milieux aquatiques qui lui sont liés.
L’évaluation du bon état des eaux souterraines
© Office français de la biodiversité / Réalisation Matthieu Nivesse (d'après OIEau), 2018 - LO-OL
La DCE met en place une méthode de travail commune aux États membres, qui repose sur quatre documents essentiels : l’état des lieux présente une photographie des activités et des usages sur le territoire et leurs impacts sur l’état des milieux aquatiques ; le programme de surveillance décrit le dispositif de suivi de l’état des milieux ; le plan de gestion par bassin fixe les objectifs environnementaux - en France ce plan de gestion s’appelle le SDAGE (schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux) ; le programme de mesures définit les actions qui vont permettre d’atteindre les objectifs fixés.
Elle introduit une obligation de résultats avec des échéances impératives et des évaluations régulières, selon une démarche de progrès organisée en cycles de six ans, le premier cycle pour les plans de gestion couvrant la période 2010-2015. La directive institue cependant la possibilité de dérogations à l’échéance de 2015 pour l’atteinte du bon état des eaux : les États peuvent demander un délai ultérieur pour l’atteinte ou un assouplissement des objectifs, à condition que ces exemptions soient justifiées, par exemple en raison d’une infaisabilité technique, de conditions naturelles ou de coûts disproportionnés.
Les cycles de mise en œuvre de la DCE
© Office français de la biodiversité / Réalisation Matthieu Nivesse (d'après OIEau), 2018 - LO-OL
Rapportage et mise à disposition des données
La DCE impose aux États membres de produire et de transmettre régulièrement à la Commission européenne des rapports rendant compte de sa mise en œuvre : cela constitue le « rapportage ». Ce dispositif permet d’évaluer la conformité de la mise en œuvre de la législation européenne et d’apporter des recommandations, voire de nouvelles mesures ou des révisions des textes visant à améliorer l’efficacité des politiques.
Les défauts de conformité peuvent donner lieu à des procédures contentieuses si les États membres ne les corrigent pas dans des délais raisonnables.
Les États membres doivent communiquer les états des lieux, les plans de gestion et les programmes de mesures, des rapports décrivant l’état d’avancement ou faisant le bilan de la mise en œuvre de la DCE, mais aussi des données : la liste et l’état des masses d’eau, la liste et les caractéristiques des stations de mesure constituant le programme de surveillance, etc.
Ces informations permettent à la Commission européenne de contrôler la bonne mise en œuvre de la DCE dans les pays et à l’Agence européenne pour l’environnement d’améliorer la connaissance de l’environnement à l’échelle européenne. Le rapportage constitue également un instrument de pilotage des politiques au niveau national. Ces rapports permettent par ailleurs d’informer le public en lui rendant compte des actions réalisées et de l’évolution de la qualité des milieux aquatiques.
Le site Rapportage a pour objectif de mettre à disposition de tous les rapports de la France sur la mise en œuvre des directives concernant l’eau.
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Une concertation des acteurs concernés
La DCE prévoit la participation du public à l’élaboration des plans de gestion : en France, cela passe notamment par une consultation du public, organisée à chaque révision de SDAGE. Par ailleurs, des instances de concertation permettent aux différents acteurs et usagers (collectivités, usagers et services de l’État) d’être représentés lors de l’élaboration des stratégies et des plans de gestion. Ces instances officient à trois échelles différentes, mais réunissent le même type de représentants.
Au niveau national, le Comité national de l’eau (CNE) est consulté pour avis sur les grandes orientations de la politique de l’eau, sur les grands projets d’aménagement ayant une portée nationale, ainsi que sur les projets de textes législatifs et réglementaires.
Au niveau du bassin hydrographique, le comité de bassin est responsable de l’adoption du SDAGE (en savoir plus sur les SDAGE) et des documents qui l’accompagnent. Il a pour rôle de définir de façon concertée la politique de gestion de l’eau et de protection des milieux aquatiques dans le bassin. Les présidents des comités de bassin siègent par ailleurs au CNE.
Enfin, là où la politique de l’eau fait l’objet d’une adaptation spécifique aux enjeux locaux, une commission locale de l’eau (CLE) peut être créée. Elle est alors responsable de l’élaboration du plan de gestion, le SAGE (schéma d’aménagement et de gestion des eaux - en savoir plus sur les SAGE).
Des acteurs représentés à toutes les échelles
© Office français de la biodiversité / Réalisation Matthieu Nivesse (d'après OIEau), 2018 - LO-OL
Les informations et les actualités de la communauté des acteurs de la gestion intégrée de l’eau sont accessibles sur le site Gest’eau. Consultez les informations disponibles sur les SAGE et les SDAGE.
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Des acteurs à toutes les échelles du territoire
L’Union européenne donne le cadre général d’un certain nombre de politiques publiques, par l’intermédiaire de textes réglementaires, notamment dans le domaine de la gestion de l’eau et des milieux aquatiques. Ces textes sont proposés par la Commission européenne, puis co-adoptés par le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen.
Àl’échelle nationale, l’État français fixe les objectifs et met en œuvre la politique publique de l’eau. Le Ministère en charge de l’écologie, en liaison avec les autres ministères (agriculture, santé, industrie, etc.), pilote cette politique. Les services déconcentrés de l’État - les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) - interviennent aux échelles régionale et départementale pour décliner localement les actions à mettre en œuvre.
L’État s’appuie sur divers établissements publics spécialisés. En particulier, l’Office français de la biodiversité (OFB) est chargé de plusieurs missions dans le domaine de l’eau et des milieux aquatiques : collecter des données et produire des connaissances sur l’état des milieux aquatiques, des eaux souterraines et des eaux marines ; mener des actions de restauration des milieux ; fournir des avis techniques aux services de l’État dans le cadre de la police de l’eau et exercer la police judiciaire pour faire respecter les prescriptions réglementaires ; assurer la coordination technique nationale du système d’information sur l’eau (en savoir plus sur le SIE) ; organiser le recueil et la valorisation des informations, notamment dans le cadre du système européen d’information sur l’eau (WISE). L’État s’appuie en outre sur des organismes de recherche, comme le BRGM (Service géologique national), l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l'alimentation et l'environnement) ou l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer).
Sept agences de l’eau en métropole et cinq offices de l’eau en outre-mer interviennent à l’échelle de chaque bassin hydrographique. Ces établissements publics œuvrent pour le bon état des milieux aquatiques : elles collectent les taxes liées aux usages de l’eau et financent notamment les actions de restauration des milieux aquatiques et de réduction des pollutions.
Les collectivités sont des acteurs incontournables de la gestion de l’eau. Les communes, les départements et les régions ont de nombreuses responsabilités qui leur incombent : le service public d’eau et d’assainissement, la prévention des inondations, la planification de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, etc. Les communes peuvent se rassembler sous forme d’intercommunalités pour gérer ces responsabilités à une échelle plus cohérente - sous forme de syndicat d’eau, syndicat de bassin, etc.
Enfin, les acteurs privés - usagers, associations et entreprises - participent de différentes manières à la politique de l’eau. Par le biais de leurs représentants au sein des comités (aux échelles nationale, de bassin ou locale), ils contribuent à l’élaboration des documents liés à la politique de l’eau, en particulier les SDAGE dans les bassins.
Quelle place pour le citoyen ?
En tant qu’usager des services d’eau et d’assainissement, le citoyen est acteur de la gestion durable de l’eau et participe à son financement (en savoir plus sur le financement de la politique de l’eau). Il bénéficie d’un droit d’accès à l’information en matière d’environnement. Il a par ailleurs la possibilité de participer à l’orientation des politiques et des décisions en matière d’environnement lors de procédures de consultation dédiées : débat public, enquête publique, consultation sur les documents de planification (SDAGE, plans d’action pour le milieu marin, etc.).
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Une politique de l’eau articulée avec les autres politiques publiques
Organisée autour de la DCE, la politique de l’eau s’articule avec des nombreuses autres politiques sectorielles ayant un lien avec l’eau. C’est le cas notamment de nombreuses directives européennes : eau potable, eaux résiduaires urbaines, nitrates, substances dangereuses, etc., adoptées dès les années 1980 pour les plus anciennes. Bien que celles-ci restent en vigueur, la DCE harmonise l’ensemble et assure la cohérence globale en matière de gestion de l’eau.
Par ailleurs, d’autres textes européens, construits sur le même schéma que la DCE, sont en lien direct avec cette dernière. La directive relative à l’évaluation et à la gestion des risques inondations, adoptée en 2007, prévoit l’élaboration de plans de gestions du risque inondation (PGRI) sur les mêmes périmètres de territoire que les SDAGE, pour assurer une synergie entre les deux politiques. La directive-cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM) de 2008 fixe quant à elle un objectif de bon état des eaux marines et l’élaboration de plans d’actions pour le milieu marin (PAMM). Ces trois documents - SDAGE, PGRI et PAMM - sont élaborés selon un calendrier commun et soumis à une consultation simultanée du public.
Une politique de la biodiversité qui participe à la gestion durable de l’eau
À l’échelle internationale, la politique de la biodiversité repose sur plusieurs conventions : Convention de Washington (commerce des espèces sauvages, 1973), Convention de Bonn (espèces migratrices, 1979), Convention de Berne (conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe, 1979) et Convention de Rio (diversité biologique, 1992). Au sein de l’Union Européenne, elles sont complétées par la directive « Oiseaux » de 1979 et la directive « Habitats-Faune-Flore » de 1992.
Ces textes ont pour objectif de protéger les espèces et la milieux naturels. Elles couvrent la biodiversité et les milieux aquatiques, et participent ainsi à la gestion durable de ces ressources naturelles.
Lorsque des thématiques liées à l’environnement nécessitent une action coordonnée de l’État, celui-ci peut également mettre en œuvre des plans d’actions ou des stratégies nationales. Ils permettent de donner un cadre et une cohérence à toutes les actions existant sur cette thématique, de manière transversale à toutes les politiques.
De nombreux plans d’actions sont en lien avec la politique de l’eau : la stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable (2015-2020), le quatrième plan national santé environnement (2021-2025), la stratégie nationale pour la biodiversité, le plan Écophyto II, les plans nationaux d’actions en faveur des espèces menacées, etc.