Bandes enherbées
© Daniel Maynadier / Office français de la biodiversité
Lutter contre la pollution de l’eau
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Réaliser une épuration des eaux avant leur rejet direct
Le rejet direct d’eaux usées dans le milieu naturel est interdit : les eaux usées doivent impérativement faire l’objet d’un traitement d’épuration pour éliminer les polluants qu’elles contiennent. Les quantités résiduelles après traitement doivent être suffisamment faibles pour être éliminées par l’autoépuration du milieu (généralement une rivière). Les zonages d’assainissement déterminent les espaces dans lesquels ce traitement relève de l’assainissement collectif ou de l’assainissement non collectif (en savoir plus sur l’assainissement).
En zone d’assainissement collectif, la collecte et le traitement des eaux usées sont réalisés par la collectivité : cela comprend la mise en place du “tout à l’égout”, l’acheminement des eaux en station d’épuration (dite station de traitement des eaux usées), leur traitement, puis leur rejet dans le milieu. Les habitations situées en zone d’assainissement collectif ont l’obligation de se raccorder au réseau de collecte. Pour la collectivité, des rendements minimum d’épuration sont imposés par la directive européenne “eaux résiduaires urbaines” (en savoir plus sur la directive ERU), afin de protéger le milieu dans lequel l’eau est rejetée une fois épurée. Le contrôle du rendement des stations d’épuration est réalisé par la police de l’eau (en savoir plus sur la police de l’eau).
Le portail d’information sur l’assainissement communal du Ministère de la Transition Écologique et Solidaire met à disposition les dernières données collectées dans le cadre du suivi des mises en conformité des ouvrages d'assainissement.
En zone d’assainissement non collectif, les habitations ne sont pas desservies par le réseau public de collecte des eaux usées. Elles doivent être traitées par les particuliers au moyen de dispositifs dédiés : fosse toutes eaux (anciennement “fosse septique”), micro-station, filtre planté, etc. La réglementation nationale fixe les rendements d’épuration à respecter, ainsi que la liste des dispositifs agréés. S’y ajoute la réglementation locale, via le règlement de service du SPANC (service public d’assainissement non collectif). C’est aussi le SPANC qui réalise les contrôles de conformité des installations chez les particuliers.
Le portail de l’assainissement non collectif présente de nombreuses informations relatives à l’assainissement autonome, et notamment la liste des dispositifs de traitements agréés.
Réseaux unitaires ou réseaux séparatifs
Dans certaines communes, les eaux pluviales sont collectées avec les eaux usées : il s’agit de réseaux unitaires. Cette solution permet le traitement en station d’épuration des petits volumes de pluies. Toutefois, lorsque les précipitations sont importantes (durant les orages par exemple), le volume d’eau à traiter peut dépasser la capacité d’accueil de la station, conduisant au court-circuitage de celle-ci pour une partie des eaux usées. Disposer de réseaux séparés de collecte des eaux permet d’éviter le débordement d’eaux usées dans le milieu naturel par temps de pluie (en savoir plus sur l’assainissement).
Les autres activités qui effectuent des rejets dans l’environnement - installation industrielles, élevages ou piscicultures par exemple - sont elles aussi tenues d’en effectuer une épuration préalable. Les limites maximales de rejets en substances polluantes sont fixées par la réglementation dite des installations classées pour la protection de l’environnement (réglementation ICPE), et sont appelées « valeurs limites d’émissions ». Pour effectuer ce traitement, l’installation doit donc s’équiper d’une micro-station d’épuration, ou passer une convention avec une station d’épuration collective proche (c’est souvent le cas des petites installations industrielles). Les exploitations agricoles peuvent aussi relever du régime ICPE.
Par ailleurs, la réglementation ICPE impose à ces installations d’être déclarées auprès de l’inspection des installations classées. Celles qui sont potentiellement les plus polluantes doivent obtenir une autorisation pour pouvoir s’exercer, qui peut s’accompagner de prescriptions techniques visant à diminuer les rejets.
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Troupeau de moutons
© Pixnio - CC0
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Station d'épuration de Poitiers
© Michel Bramard / Office français de la biodiversité
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Pollution : rejet d'usine
© Éric Sabot / Office français de la biodiversité
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Réduire les risques de pollution accidentelle
Pour limiter les risques d’accident industriel, des précautions relatives à la sécurité sont prescrites pour les installations industrielles dans le cadre de la réglementation ICPE. Elles concernent par exemple les modalités de stockage de certaines substances ou les quantités maximales autorisées sur un même site.
Pour les sites industriels qui présentent des risques majeurs, la réglementation dite “Seveso” - issue de plusieurs directives européennes du même nom - impose une démarche de prévention du risque : délimitation du secteur concerné, modalités d’organisation des secours, information du public, etc.
En outre, la prévention des risques concerne aussi le transport, par le biais de la réglementation des transports de marchandises dangereuses. Elle concerne tous les transports : routier, ferroviaire, fluvial, maritime et aérien. Cette réglementation fixe la liste des marchandises dites dangereuses, prescrit certaines précautions à prendre lors de leur transport, et impose de réaliser des diagnostics des infrastructures de transport (gares, ports, etc.). La déclaration de tous les accidents est par ailleurs obligatoire.
Enfin, concernant le transport de produits pétroliers par bateaux et les marées noires successives ont conduit à une réglementation de plus en plus stricte sur les plans internationaux, européens et nationaux. Constituée de nombreux textes et conventions (convention POLMAR, etc.), elle prévoit notamment un contrôle des navires et de la navigation, et la mise en place d’une coordination des secours pour gérer au mieux les accidents.
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Réduire l’utilisation de produits phytosanitaires
La réduction des quantités de produits phytosanitaires utilisées est la première manière de lutter contre la pollution diffuse de l’eau. C’est l’objet du plan Écophyto, qui prévoit de réduire de 50% l’utilisation des pesticides entre 2015 et 2025 (d’après Ministère en charge de l’écologie). Il est pour cela nécessaire que les solutions techniques qui existent pour réduire l’utilisation des pesticides soient plus largement mobilisées : lutte biologique (recours à des prédateurs naturels des ravageurs), meilleure anticipation des maladies et des attaques de ravageurs, procédés physiques comme le désherbage mécanique, etc.
Le plan Écophyto vise aussi à accompagner l’évolution vers des pratiques agricoles qui nécessitent moins de produits phytosanitaires : agriculture raisonnée, etc. Certaines pratiques permettent même de supprimer totalement l’utilisation de ces substances, comme l’agriculture biologique par exemple.
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Coccinelle sur un épi de blé
© Rudy Armipertis / Flickr - CC BY-NC-ND 2.0
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Champ de blé et coquelicots
Quand les herbicides ne sont pas utilisés dans les champs, les coquelicots réapparaissent.
© Dun.can, Flickr - CC BY 2.0
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Champ de salades issues de l'agriculture biologique
© Pxhere - CC0
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Lutte intégrée
La guêpe, Aleiodes indiscretus, parasitant une chenille de mite bohémienne, un parasite sérieux dans la sylviculture
© Scott Bauer / Wikimedia - CC0
Par ailleurs, la formation des vendeurs, des conseillers agricoles et des agriculteurs à la bonne utilisation des pesticides est désormais obligatoire, via un certificat - le Certiphyto. Sa détention est requise pour acheter et utiliser ces produits, et fait suite à une formation pour apprendre à les utiliser de manière raisonnée.
En parallèle, pour protéger la santé des personnes et la qualité de l’eau, la réglementation réduit progressivement l’utilisation des pesticides par les collectivités et les particuliers. Depuis 2017, leur emploi est interdit dans les espaces verts, et ils ne sont plus disponibles à l’achat en libre-service. Depuis le 1er janvier 2019, leur utilisation n'est plus autorisée par les particuliers.
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Réglementer la fertilisation des sols
Afin de limiter les apports de nutriments dans les milieux aquatiques, la fertilisation des sols par des effluents d’élevage (fumier, lisier, etc.) ou des engrais de synthèse est encadrée par la réglementation. L’objectif de ces différentes dispositions est de ne pas apporter plus d’azote au sol qu’il n’est capable d’en contenir, afin de minimiser son export vers les milieux. Cette réglementation peut s’appliquer de différentes manières selon les cas : directive nitrates dans les zones vulnérables, bonnes conditions agro-environnementales des exploitations agricoles (dans le cadre des subventions de la PAC), classement ICPE des élevages ou, en dehors de ces cas, à travers les règlements sanitaires départementaux.
La fertilisation doit donc faire l’objet d’une planification, c’est-à-dire d’une programmation à l’avance pour s’assurer de ne pas dépasser la dose maximale. Elle est réalisée grâce à un plan de fumure ou un plan d’épandage, qui tient compte notamment de la richesse en nutriments des engrais à épandre, et de la capacité naturelle des sols à retenir les nitrates.
La réglementation s’applique aussi aux conditions d’épandage pour limiter la fuite des engrais vers les milieux aquatiques - il est par exemple interdit d’épandre du fumier ou du lisier sur la neige ou des sols gelés. Par ailleurs, les épandages doivent être réalisés à une distance suffisante des points d’eau (ruisseau, rivière, plan d’eau, etc.) pour éviter toute contamination directe.
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Éviter les transferts aux milieux aquatiques
La lutte contre la pollution diffuse passe par la limitation des transferts directs aux milieux aquatiques. C’est l’objet de certaines règles relatives à l’épandage : interdiction de traiter les fossés par exemple. Concernant les produits phytosanitaires, une zone non traitée doit être maintenue autour des points d’eau (ruisseau, rivière, plan d’eau, etc.). Sa largeur varie de 5 à 50 mètres, en fonction de divers paramètres - notamment la dangerosité des produits.
L’amélioration de l’équipement est une solution complémentaire. En effet, lors du traitement des sols, une partie des produits épandus peut être emportée par le vent, et se déposer dans les milieux aquatiques. L’utilisation de dispositifs d’aspersion plus performants peut limiter ce phénomène, contribuant ainsi à réduire les contaminations directes.
Une solution complémentaire consiste à favoriser l’interception des polluants dans le bassin versant, notamment grâce à l’hydraulique douce. Ce sont des éléments du paysage tels que des bois, des haies, des talus ou des bandes enherbées par exemple, qui sont positionnées de manière à intercepter les écoulements d’eau en surface. La présence d’une végétation permanente y ralentit la vitesse de l’eau, qui s’infiltre dans le sol au lieu de rejoindre les milieux. Les polluants qu’elle transportait sont alors interceptés dans le sol. Le long de certains cours d’eau, le maintien de zones enherbées est une obligation réglementaire.
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Bandes enherbées à Flaugnac, Lot
© Jérôme Beyssac / Office français de la biodiversité
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Berges enherbées pour lutter contre l'érosion
© Zoran Pravdić / Wikimedia - CC BY-SA 3.0
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Fascines
Les fascines sont des fagots de branchages maintenus entre 2 rangées de pieux servent à lutter contre l'érosion.
© Office français de la biodiversité
Le transfert des polluants vers les milieux aquatiques peut aussi résulter de l’artificialisation des sols et des milieux, ainsi que de l’érosion. La lutte contre l’artificialisation et la réduction du phénomène d’érosion contribuent donc à limiter ces transferts.
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Encadrer ou interdire l’usage de substances dangereuses
Certaines substances sont particulièrement dangereuses pour les milieux et la santé, soit parce qu’elles ne sont pas biodégradables et s’accumulent, ou par exemple parce qu’elles sont cancérogènes. Il est alors préférable d’interdire leur production et leur usage pour protéger l’environnement et la santé.
Ainsi, plusieurs substances ont fait l’objet d’interdictions. Le chlordécone, insecticide utilisé en outre-mer dans les bananeraies, a fait l’objet d’une interdiction en 1993. Autre exemple, depuis 2007 les lessives et autres détergents domestiques ne doivent plus contenir de phosphates, pour limiter l’eutrophisation des rivières. Le règlement européen « POP » (pour polluants organiques persistants) interdit quant à lui depuis 2004 la production, la mise sur le marché et l’utilisation de ces substances, particulièrement toxiques et difficiles à éliminer : PCB, dioxines, certains pesticides, etc.
La réglementation prévoit que la dangerosité des nouvelles substances soit évaluée avant leur commercialisation. Toutes les substances chimiques importées, produites ou vendues doivent faire l’objet d’une évaluation des risques en application du règlement européen REACH. Pour celles qui représentent un risque pour l’environnement, leur utilisation peut être soumise à autorisation et, pour les substances les plus dangereuses, subir des restrictions d’usages ou être interdites.
Ce mécanisme s’applique aux pesticides et aux biocides par le biais d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), indispensable pour en permettre la commercialisation. Délivrée au niveau national (par le ministère de l’agriculture ou de l’environnement) ou au niveau européen (par la Commission européenne), l’AMM tient compte d’une évaluation des risques que représente la substance sur la santé et l’environnement, ainsi que de son efficacité. L’AMM précise les conditions d’utilisation à respecter, notamment les doses maximales applicables.
Une liste de substances identifiées comme prioritaires et comme dangereuses est établie en application de la directive-cadre sur l’eau (en savoir plus sur la DCE). Les États-membres prennent les mesures nécessaires pour réduire progressivement leur rejet dans les milieux. Pour les substances dangereuses, un objectif d’arrêt des rejets au plus tard 20 ans après leur classement est fixé aux États-membres.
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Protéger les captages d’eau
Les captages d’eau sont les ouvrages de prélèvement qui exploitent une ressource en eau, superficielle (rivière, lac) ou souterraine (nappe phréatique). L’eau prélevée - appelée eau brute - sert notamment à la production d’eau potable après une étape de potabilisation. Pour protéger la santé humaine et limiter les coûts des traitements de potabilisation, l’eau brute doit être de la meilleure qualité possible, ce qui justifie la mise en place de protection des captages.
Le Code de la santé publique prévoit donc que les captages fassent l’objet de périmètres de protection qui réglementent les activités qui se déroulent à proximité des ouvrages de prélèvement, dans l’objectif d’éliminer tout risque de contamination de l’eau brute. Ainsi, tout accès à l’ouvrage de prélèvement d’eau est directement interdit (périmètre de protection immédiat clôturé). Sur un secteur un peu plus vaste (périmètre de protection rapprochée), toutes les activités susceptibles de provoquer une pollution sont interdites : construction de bâtiments, dépôt d’ordures, rejet, etc.
Parfois, certaines activités à risque peuvent être réglementées sur une distance un peu plus grande (périmètre de protection éloigné), comme par exemple une installation industrielle couverte par la réglementation ICPE.
Les différents périmètres de protection des captages d’eau potable
© Office français de la biodiversité / Réalisation Matthieu Nivesse (d'après OIEau), 2018 - LO-OL
Pour les captages particulièrement stratégiques pour l’alimentation en eau potable, ou pour lesquels un risque lié aux pollution diffuses est identifié, une démarche de protection de l’aire d’alimentation du captage « AAC » peut être engagée. Cette aire correspond à la surface sur laquelle s’infiltrent les eaux qui alimentent le captage. Elle est donc beaucoup plus étendue que les périmètres de protection. Une fois l’AAC délimitée, un diagnostic est réalisé pour identifier les risques de pollution, et donne lieu à la mise en place d’un programme d’action ayant pour but de réduire ces risques : limiter la dispersion des polluants, raisonner et réduire le recours aux pesticides et aux engrais, etc.
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Dépolluer, une solution difficile et coûteuse
La dépollution est une solution difficile à mettre en oeuvre pour de nombreuses raisons. Les substances provenant de rejets ponctuels se disséminent dans les milieux aquatiques, et peuvent contaminer de très grands espaces. De plus, les polluants peuvent se retrouver à différents endroits : dans l’eau, mais aussi dans les êtres vivants (le biote) ou les sédiments (la vase, en particulier). À ces difficultés s’ajoute la très grande résistance de certains polluants, difficiles à dégrader (c’est notamment le cas des POP, polluants organiques persistants). En outre, la dépollution peut générer des effets néfastes sur le milieu et sa biodiversité si elle provoque des altérations hydromorphologiques.
Ainsi, la dépollution des milieux aquatiques se limite surtout à l’extraction de sédiments contaminés dans certains cas particuliers, essentiellement les canaux artificiels et les rivières canalisées. Cette solution demeure coûteuse, d’autant plus qu’après avoir été enlevés du lit, les sédiments doivent souvent faire l’objet d’une décontamination.
En cas de marée noire, une dépollution du littoral peut être nécessaire. Ces opérations de grande ampleur doivent être menées de manière coordonnée et organisée pour ne pas aggraver les conséquences de la pollution.
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Ouvriers nettoyant la plage de Port-Fourchon lors de la marée noire du Deepwater Horizon
© Patrick Kelley, Wikimedia - CC0
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Nettoyage manuel et confinement lors d'une marée noire
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Chantier de nettoyage haute pression lors d'une pollution
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Déploiement de barrage flottant lors d'un exercice POLMAR
© Cedre
La potabilisation : un cas particulier de dépollution
Une phase de dépollution intervient lors du processus de potabilisation. Pour protéger la santé humaine, plusieurs étapes de la fabrication de l’eau potable ont pour objectif d’éliminer les polluants. Toutefois, ces traitements ont un coût important, ce qui contribue à l’augmentation du prix de l’eau (en savoir plus sur le prix de l’eau). En outre, passé un certain seuil de pollution, ils ne permettent plus d’éliminer suffisamment de polluants pour respecter les normes. Dans ce cas, l’eau ne peut plus être distribuée. Pire, lorsque cette pollution persiste, la ressource utilisée - qu’il s’agisse d’un cours d’eau, d’un plan d’eau ou d’une nappe souterraine - ne peut plus être utilisée et doit être abandonnée.